Santé de première ligne et médecine préventive plutôt que curative
Nizar Laadhari, secrétaire général de l’Ordre des Médecins tunisiens et président de la commission médicale de l’hôpital Charles Nicolle, a déclaré, dans Midi Show, ce mercredi 13 novembre 2024, que le secteur de la santé en Tunisie souffre de multiples problèmes qui se sont accumulés, depuis 2001.
Il a expliqué que le système de santé, adopté en Tunisie après l'indépendance, reposait sur une politique de «santé de première ligne et de médecine préventive», qui a changé à la fin des années 1990, pour devenir une «politique curative». Cela a conduit à l'accumulation des problèmes, car cette politique est coûteuse et peu efficace.
"Elle a, en effet, produit un nombre très élevé de patients atteints de maladies chroniques, par rapport à certains pays qui ont conservé une politique préventive", a expliqué l'invité de Midi Show.
Ce dernier a, également, évoqué le manque criard de personnel dans le secteur de la santé, affirmant que «depuis l’arrêt des recrutements en 2019, aucun remplacement n’a été effectué pour les administrateurs, agents de service et médecins partis à la retraite».
Et d'ajouter : «Tout cela rend le travail dans les établissements publics très difficile; ce qui impacte la qualité des services dispensés».
Le praticien a, d'un autre côté, soulevé les problèmes financiers que vivent les hôpitaux, "non pas en raison de la mauvaise gestion ou de l’absence de gouvernance, mais à cause, entre autres, des dettes accumulées auprès de la CNAM (Caisse nationale d'assurance maladie)", selon lui. Il a, dans ce sens, donné l'exemple de deux hôpitaux de la capitale qui lui doivent environ 50 millions de dinars.
Concernant le manque de spécialistes dans des établissements, notamment locaux, il a expliqué que certains hôpitaux n'ont pas été construits selon des normes scientifiques rigoureuses, mais sous la pression des demandes des habitants. Ainsi, la spécialisation médicale et ses exigences en équipement et en matériel n'ont pas été prévues, dès le départ. Il considère que la solution à ce problème réside dans la «politique de première ligne».
Cette politique repose sur des dispensaires dirigés par des médecins qui diagnostiquent les cas, selon des règles cliniques, puis orientent les patients nécessitant des soins vers un hôpital universitaire.
Nizar Laadhari est, également, revenu sur le phénomène de la migration des médecins. "Cette année, 1 300 médecins ont quitté la Tunisie pour l’étranger, après que 4 000 autres les ont précédés au cours des trois dernières années précédentes", a-t-il rappelé.
Il a révélé que 80 à 90% des médecins qui partent à l'étranger sont jeunes, qualifiant le nombre de «terrifiant et alarmant». Il a précisé que les raisons de cette migration ne sont pas principalement financières. "Certains ont choisi de partir en raison des conditions de travail, en particulier dans les hôpitaux publics, de la violence qui y sévit et de l'absence de facilités pour les entrepreneurs", a-t-il affirmé.
Il a conclu : «Si cette hémorragie se poursuit sans solutions urgentes pour l’arrêter, un jour viendra où la médecine de spécialité disparaîtra des hôpitaux publics, voire même des cliniques privées».